Critique du film Audition (6 / 10)
POPSTARS KILL
Pendant près
d'une heure et demie (le film en fait deux), Takashi Miike filme son acteur principal
(excellent, au demeurant) d'une manière quelque peu ronronnante.
De discussions
figées en sketchs niaiseux façon sitcom, le film porte son spectateur dans une drôle de léthargie
"auteuriste" avec tentatives d'originalité visuelle et métaphores sensiblement lourdingues
(tiens, tout est rouge dans ce restaurant?).
Seul quelques éléments indiquent au
spectateur qu'il ne s'agit pas là d'une comédie dramatique sentimentale, pas au sens
traditionnel en tout cas.
Le choc, la rupture de ton, plus ou moins attendue arrive
dans le dernier tiers du film, et mieux vaut alors avoir l'appareil digestif bien en place !
Après avoir suivi le point de vue naïf et romantique d'Aoyama, la mise en scène de Miike
bascule progressivement pour épouser l'esprit dérangé du personnage féminin.
Il y a
bien un côté "David Lynch du pauvre" dans ses aller-retour narratifs mais qu'importe, l'actrice
Eihi Shiina est proprement stupéfiante à passer avec tant d'aisance de la gêne innocente à la
cruauté la plus froide.
Et l'habile construction scénaristico-visuelle monte
inéluctablement en intensité jusqu'à la dernière demi-heure d'une sauvagerie inouïe.
La violence y est particulièrement insoutenable car filmée de manière clinique, avec en plus
une sorte de sensualité chic sous-entendue par la psychologie et la "logique" des personnages.
Comme si cela ne suffisait déjà pas à nous faire durablement froid dans le dos, le
film ne propose absolument aucune morale qui permettrait au spectateur de passer tranquillement à
autre chose.
Avec cette façon qu'il a d'amplifier le malaise par la dimension
intellectuelle de son film sans jamais y toucher vraiment, Takashi Miike parvient à quelque chose
de l'ordre du "cinéma pur" que peu de cinéastes (Disney, Hitchcock, Kurosawa?) peuvent se vanter
d'avoir approché.
D'aucun penseront que Miike est un type complètement fou, qu'il
faut être décérébré pour apprécier ce genre de film, que sa violence va donner de mauvaises idées
à certains? mais comment ne pas voir ?
Filmer avec autant de maîtrise un sujet aussi
impossible relève plutôt du génie.
Pour son adaptation d'"American Psycho", Mary
Harron n'avait pas juger bon de prendre un tel parti pris. Dommage ?
L@urent J@rdin -
Par zoom-Cinema.fr le 6 mars 2002.
Soyez le premier à commenter ce film !